Comment les enfants réussissent à l’école et dans la vie
|Je viens de terminer le livre de Paul Tough : comment les enfants réussissent. En voici ma chronique.
Nous croyons, à tort, que c’est l’intelligence qui permet de prédire la réussite à l’école et dans la vie. Selon l’auteur, il n’en est rien ! C’est le caractère qui fait toute la différence pour peu que certaines « bases affectives » soient posées. Explications.
L’attachement sécure pour combattre le stress et apprendre à échouer
Un des facteurs les plus destructeurs pour l’enfant est le stress
Nous savons que le stress et les traumatismes peuvent se graver dans un jeune organisme et y causer des dommages durables (voir cet article). Mais les neurosciences ont révélé une bonne nouvelle pour soigner ces blessures :
« Les parents capables de nouer des liens proches et enrichissants avec leur enfant peuvent faciliter une résilience qui les protégera contre les pires effets d’un environnement difficile. Pour les neuroscientifiques, l’impact de l’éducation n’est pas seulement émotionnel ou psychologique ; il est biochimique. »
Cette conclusion provient des études menées par Michael Meaney de l’Université McGill. Il a pu observer chez les rats que l’attention et les soins portés par une mère influaient sur le système de réaction au stress via le développement de zones spécifiques dans le cerveau et provoquaient même une modification dans l’expression des gènes.
Les signes d’attention (léchage et toilettage) de la maman rat pour son bébé activent une partie du génome de ce dernier. On nomme cela la méthylation. C’est ce segment par lequel l’hippocampe du rat contrôle la gestion des hormones du stress à l’âge adulte.
Chez l’être humain, les investigations ont révélé que « les suicidés ayant été victimes de maltraitance et d’abus sexuel dans leur enfance avaient subi une méthylation du même segment d’ADN, mais avec un effet opposé par une désactivation de la fonction saine de réaction au stress.
Ce constat ne constituant pas une preuve flagrante de l’impact du comportement parental sur le stress chez les êtres humains, des tests ont été poursuivis avec un large échantillon de bébés.
Un autre chercheur, Clancy Clair, a ainsi entrepris une grande étude auprès de 1200 bébés observés depuis l’âge de 7 mois. L’indicateur principal de contrôle était la fluctuation du niveau de cortisol en réaction à des situations de stress. Le cortisol est un indicateur pertinent de la charge allostatique dont nous parlions dans cet article. Il permet de mesurer l’usure physiologique.
Clancy Blair découvrit ceci :
« Les risques environnementaux tels que les problèmes familiaux, l’instabilité et la surpopulation ont un impact majeur sur les niveaux de cortisol des enfants-seulement si la mère est indifférente ou insensible.
Quand les mères affichent de hauts niveaux de sensibilité, l’impact de ces facteurs environnementaux sur les enfants semble quasiment nul. »
Ceci nous emmène à l’attachement, équivalent humain du léchage/toilettage chez les rats.
Le principe de base de la théorie de l’attachement est qu’un jeune enfant a besoin, pour connaître un développement social et émotionnel normal, de développer une relation d’attachement avec au moins une personne qui prend soin de lui de façon cohérente et continue. Cette théorie a été formalisée par le psychiatre et psychanalyste John Bowlby après les travaux de Winnicott, Lorenz et Harlow. via
Pour illustrer cette théorie, Paul Tough indique que les enfants de 1 an dont les parents réagissent rapidement et de manière appropriée aux cris dans les premiers mois de vie sont plus indépendants et plus audacieux que les bébés dont les parents ont ignoré les cris.
A la maternelle, le schéma est identique. Les bébés sont plus autonomes si les parents sont plus sensibles aux besoins émotionnels.
Ce comportement parental chaleureux favorise le sentiment de sécurité de l’enfant qui n’hésite pas à explorer le monde. On parle d’ « attachement sécure » .
Les forces de caractère
Paul Tough a suivi de nombreux programmes éducatifs aux Etats-Unis. Beaucoup furent inspirés par les travaux de Martin Seligman en psychologie positive et plus particulièrement sur les forces de caractère. Il y a 24 forces réparties en 6 vertus.
Il s’avère que les plus déterminantes pour la réussite des enfants sont les suivantes :
– détermination
– enthousiasme
– gratitude
– self-control
– intelligence sociale
– optimisme
– curiosité
Les parents et les institutions peuvent jouer un grand rôle dans le développement de ces forces. D’abord en les dépistant chez les enfants puis en les aidant à y travailler.
Apprendre à réfléchir
Le cerveau est un formidable outil pour peu que les enfants apprennent à s’en servir. Il existe une activité propice à cela : les échecs (nous en parlions ici).
L’auteur y consacre un chapitre complet en suivant les performances d’une équipe d’enfants issus de milieux défavorisés dirigée par Elizabteh Spiegel.
On y découvre son approche pédagogique rigoureuse qui consiste à attacher une grande attention aux erreurs et aux manières de s’améliorer pour se confronter aux meilleurs en oubliant la peur de l’échec.
Elle apprend également aux enfants à contourner le biais de confirmation, cette tendance que nous avons tous de vouloir absolument prouver que ce que nous pensons est vrai.
Parmi les autres bienfaits du jeu d’échec, citons le fait de rentrer dans un tunnel de « productivité intellectuelle » à l’image de la notion de « flow » où la concentration et le bien-être sont au maximum (psychologie positive).
Stéréotypes, jugements et étiquettes
Un des problèmes des élèves en échec est qu’il sont souvent considérés et étiquetés comme tel par leurs enseignants, leur entourage et parfois même leurs parents.
Or, ces jugements conscients comme inconscients façonnent la manière dont ils se voient et les enferment dans un stéréotype. Ils en viennent à penser qu’ils ont des capacités limités.
Pour changer leur croyance, voilà ce que leur dit Elizabteh Spiegel.
« L’intelligence est malléable. »
Cette phrase aide les enfants à recommencer à croire en eux et les motivent à faire des efforts pour s’améliorer. Elle change leur état d’esprit, leur redonne confiance et espoir.
Une étude réalisée sur deux groupes d’élèves l’a démontré. Ceux-ci étaient issus d’un milieu défavorisé.
Un tuteur leur fut attribué pendant toute l’année scolaire à raison de deux fois 90 minutes par semaine.
Certains mentors devaient passer régulièrement un message à l’élève qu’ils suivaient selon le groupe auquel il appartenait :
- « L’intelligence n’est pas un capital fini ; c’est une capacité extensible qui augmente à force de travail intellectuel ».
- Le deuxième message portait sur les dangers de la consommation de drogue sur la réussite scolaire.
Bilan : à la fin de l’année, on compara les notes à des tests standardisés en vigueur au Texas. Les élèves ayant reçu le message sur l’intelligence eurent des résultats très supérieurs aux autres. Et la différence était encore plus grande pour le score des filles en mathématiques.
Cette simple phrase permet donc de transformer les croyances des élèves et de lutter contre les effets des stéréotypes.
Apprendre à réussir
Le programme OneGoal vient en aide aux enfants issus de familles à très faibles revenus. Il leur donne un cadre et des aides pour qu’ils parviennent à décrocher un diplôme dans les universités de leur choix.
Les résultats sont excellents. La clé de ce bilan positif est à la fois la qualité et la motivation des enseignants recrutés mais aussi le développement de 5 compétences qui se différencient des forces de caractère citées plus haut.
Ces 5 compétences sont appelées les principes de Leadership :
– débrouillardise
– résilience
– ambition
– professionalisme
– intégrité
Conclusion
L’attachement sécure est la base de toute réussite mais il ne suffit pas.
Il est nécessaire d’apprendre à l’enfant à forger son caractère, gérer les échecs, développer des compétences du succès et réfléchir.
J’ai beaucoup apprécié cet ouvrage de Paul Tough. La narration et les portraits sont captivants. On comprend vite que la réussite n’est pas dû au hasard et que le caractère est plus déterminant que l’intelligence.
Il n’est d’ailleurs pas seulement question de réussite scolaire. Il s’agit aussi de s’épanouir dans sa vie et de surmonter l’adversité.
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Intéressant ! La porte reste ouverte pour tous les enfants et adolescents blessés ou pas pour peu qu’on les aime, les entoure et les accompagneJ’aime beaucoup la conclusion qui parle de s’épanouir dans la vie, car on voit bien autour de nous que le bonheur n’est pas lié à la réussite scolaire, aux nombres de diplômes, ni même à l’importance du compte en banque, idées qui auront encore plus de mal à se développer que l’éducation positive !