Avant 5 ans, un enfant ne peut pas manipuler ou faire « exprès »

« Penser qu’un enfant vous manipule, vous défie, vous provoque ou fait « exprès » de faire telle ou telle chose pour vous déranger n’est qu’une projection de la part de l’adulte, un nouvel acte d’adultomorphisme »

C’est la psychologue Héloïse Junier dans l’excellent « Guide pratique pour les pros de la petite enfance » qui nous donne cette précieuse information.

S’appuyant sur la théorie de l’esprit qui prône l’immaturité intellectuelle de l’enfant avant 5 ans, elle nous offre les 4 arguments qui abondent dans ce sens :

  1. Avant 4-5 ans, l’enfant n’étant pas en capacité intellectuelle d’ attribuer des états mentaux à autrui, il n’est pas non plus en mesure de déduire ou de prédire ce que vous ferez dans telle ou telle situation. D’autre part, manipuler quelqu’un revient à manipuler les états mentaux de son interlocuteur, une gymnastique intellectuelle encore plus complexe, en jeu dans les mensonges et les taquineries. On appelle cela la compréhension des croyances de « second ordre », une capacité qui émerge vers l’âge de 6 ans.
  2.  Le jeune enfant, ancré dans le moment présent, n’est pas en capacité d’anticiper, ni d’élaborer une stratégie, comme le ferait un adulte. Son cerveau préfrontal, siège du raisonnement, de l’anticipation, de la réflexion, n’est pas assez mature pour manifester de telles compétences intellectuelles.
  3. Le jeune enfant peut faire semblant de jouer à la dînette, de transformer une feuille de papier en couverture pour sa poupée. En revanche, il ne peut pas faire semblant d’avoir une émotion forte. Si le tout-petit de moins de 3 ou 4 ans manifeste des comportements émotionnels aussi explosifs c’est parce que son cerveau supérieur, le néocortex, n’est pas suffisamment bien connecté avec son cerveau émotionnel pour parvenir à contrôler naturellement ces pulsions primitives de peur ou de colère. Ce n’est donc pas de la comédie, ni une tentative manipulatoire de faire « céder » l’adulte. Même si ces réactions paraissent souvent disproportionnées aux yeux de l’adulte! « Tout ce cirque pour rien » pourrait-on se dire!
  4. Le petit d’homme est naturellement bon, bienveillant et empathique. Cette compétence fut sélectionnée par l’évolution pour lui permettre de s’assurer la proximité et la bientraitance des adultes dont il dépend pour survivre. C’est généralement l’adulte qui impulse des rapports de force avec l’enfant, et non l’inverse. Ce dernier ne faisant que réagir à l’attitude de l’adulte.

 

Focus sur l’adultomorphisme

« L’adultomorphisme désigne notre tendance à nous autres, les adultes, à interpréter les comportements des enfants comme s’il s’agissait d’adultes miniatures. On les qualifie de provocateurs, pervers, manipulateurs, capricieux, vicieux, jaloux, comédiens, sadiques, calculateurs… Et la liste est longue! « Clément me regarde dans les yeux tout en grimpant sur le fauteuil alors qu’il sait que c’est interdit: il me provoque! », « Si Latifa vient illico presto taper l’enfant qui s’est installé sur mes genoux, c’est parce qu’elle est jalouse! », « Marius se met à pleurer quand il me voit alors qu’il jouait tranquillement… Quel comédien! ». On oublie que le développement intellectuel et affectif d’un enfant est bien distinct de celui d’un adulte. Et pour cause, tandis que le cerveau d’un tout-petit est au début de sa maturation (et le chemin est long, très long), celui d’un adulte est arrivé à la pleine maturité. Par ces adjectifs qui n’ont pas leur place dans la petite enfance, on vient surinterpréter les signaux que ces petits êtres énigmatiques nous adressent. Rassurez-vous, quiconque peut tomber dans l’adultomorphisme s’il n’y fait pas attention: les professionnels qui oeuvrent directement auprès des enfants, les parents, les médecins, les psychologues, les chercheurs… D’où l’importance d’avoir des connaissances aiguisées sur leur fonctionnement intellectuel et de se rappeler à l’autre de temps en temps. » Heloise Junier

 

 

Source : « Guide pratique pour les pros de la petite enfance : 38 fiches pour affronter toutes les situations » de Héloïse Junier.

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