Ce qui se cache vraiment derrière « c’est bien/c’est mal »
|« C’est mal de voler », « c’est bien d’aider », « c’est mal de répondre », « c’est bien de travailler »,…
Les adultes entendent et lisent cela depuis leurs plus jeunes années. Les enfants l’entendent à leur tour par la bouche de leurs parents, de leur camarades, des médias,… Mais qu’est-ce qui est mal ? qu’est-ce qui est bien ? qui décide ?
Ces étiquettes ne sont-elles pas des outils de manipulation enrobés d’une couverture de valeurs éducatives/sociétales ? Est-ce bien de décréter le bien et le mal ? Le bien est-il universel ? Le mal est-il perçu ainsi par tous ?
Les effets du bien et du mal
Avant de répondre à ces questions, observons les effets de ces mots sur les enfants (futurs adultes) :
Un « c’est mal » fait naitre : la peur, la culpabilité, la honte, le doute, cela dégrade la confiance en soi, entraine à la comparaison, nourrit une crainte du jugement d’autrui, …, il s’apparente à une sanction/punition morale.
Un « c’est bien » peut déclencher la fierté (gonflement de l’ego), augmenter la confiance (temporairement), entrainer aussi à la comparaison,…à l’image d’une récompense/d’un privilège décerné(e) aux « bons éléments ».
Le « c’est bien » et le « c’est mal » impose une « matrice » extérieure de jugement de laquelle il est difficile de sortir. Celles et ceux qui en reçoivent régulièrement en deviennent dépendants. En effet, chaque acte peut être jugé de « bien » ou « mal » selon un système qui n’a pourtant pas grand chose d’objectif puisqu’il est issu des croyances individuelles et de l’interprétation de faits. Rajoutons que bien et mal devient le prisme à travers lequel est vu le monde…il s’agit donc d’une vision binaire et peu nuancée, loin de la « réalité ».
« Bien » et « mal », chantage et soumission
Quand un enfant reçoit une baffe chaque jour et qu’il entend « c’est pour ton bien ». Que se passe-t-il dans sa tête ? que ressent-il ? quelles croyances va-t-il consolider ?Que fera-t-il plus tard lorsqu’il expérimentera les mêmes situations avec ses propres enfants ?
Quand un enfant entend « tu me fais du mal quand tu agis ainsi » : est-il motivé à changer intrinsèquement ou est-il contraint par le sentiment de culpabilité ? Plus tard, quand il aura besoin d’avoir raison, n’utilisera-t-il pas ce stratagème pour manipuler l’opinion d’autrui ?
Le jugement bien/mal reflète aussi les envies et les besoins. Ainsi, un enfant qui va juger un autre enfant en disant « c’est mal » va peut-être freiner l’autre car lui-même n’ose pas faire ce que l’autre entreprend.
Comment dépasser le bien et le mal
Pour dépasser le bien et le mal, il est essentiel d’évoquer les « règles » (existantes ou à élaborer collectivement), d’employer souvent le « nous » (au lieu du « tu »), de s’appuyer sur les émotions/l’empathie et de décrire les comportements (sans juger afin de développer le libre arbitre). Certaines règles sont communes à tous : traiter chacun avec respect, agir selon la loi,… et d’autres sont à construire en développant un sens critique personnel. C’est ce qui se produit lorsqu’on se questionne ainsi (ou lorsqu’on questionne un enfant) ou quand on propose des choix :
- qu’est-ce que tu en penses ?
- quels sont les choix ?
- voici les choix possibles. Que préfères-tu ?
- que ressent ton ami selon toi ?
- quelle seraient les conséquences de cet acte ? comment te sens-tu quand tu y penses ?
- qu’aimerais-tu qu’on te fasse ?
- dans quel monde souhaites-tu vivre ?
- quel est ton véritable besoin ?
- si tu te regardais, que verrais-tu ? que te dirais-tu ?
- que pouvons-nous décider pour trouver un terrain d’entente ?
Une autre manière de ne pas juger est de montrer l’exemple, sans parler. Nous sommes équipés dans notre cerveau pour imiter nos pairs (neurones miroirs, imagination,…). Mais cette imitation doit se compléter avec le développement du sens critique car, en effet, il est essentiel de se demander si le modèle en est vraiment un et s’il ne va pas causer du tort à autrui ou à soi.
De l’intérêt de pratiquer la philosophie en famille
Ce questionnement avant d’agir est un entrainement qu’offre, par exemple, la philosophie. A ce sujet, je vous conseille notamment la collection « les goûters philo » (Milan) et les philo-fables (Albin Michel).
Le livre « Le bien et le mal » de Brigitte Labbé et Michel Puech m’a d’ailleurs servi de base de réflexion pour cet article.
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