Quelles informations révéler à un enfant ?
|Cette question est primordiale dans l’éducation. Elle est abordée avec une grande clarté par Claude Halmos dans son livre « dis-moi pourquoi : parler à hauteur d’enfant« .
L’enfant a besoin d’un cadre.
Parler aux enfants implique de définir un cadre qui leur fait comprendre quelle est leur place. Comme le précise Claude Halmos en citant Françoise Dolto, l’enfant n’est pas un « adulte bis ». Il a des droits mais pas tous les droits. De plus, il a aussi des devoirs avec en tête celui de respecter les lois du monde. Et là, c’est le devoir des parents que de les apprendre à l’enfant.
Françoise Dolto insistait sur le fait que l’enfant doit avoir une place mais pas toute la place. Il a besoin d’être « repositionné » s’il s’aventure dans des domaines qui ne le concernent pas dans l’immédiat. Et c’est là le véritable jeu d’équilibriste des parents : sélectionner les informations qui concernent directement les enfants et ne pas les ennuyer/encombrer avec des sujets d’adulte.
Qu’est-ce qui concerne directement les enfants ?
Il est temps maintenant de répondre à cette question : Que dire à un enfant ?
– L’enfant a besoin d’être informé de ce qui concerne sa personne : sa conception, sa naissance, son histoire depuis qu’il est né.
A quoi bon lui cacher ce qu’il sait inconsciemment et qui pourrait l’effrayer par un trop grand silence ? Claude Halmos affirme qu’un enfant a besoin de savoir comment il est arrivé sur Terre. Si les parents qui l’élèvent sont ceux qui l’on conçu. Ou si il a été « abandonné ». Ce terme est explicité d’une manière pertinente par Françoise Dolto.
Abandonné : donné à l’adoption à des parents qui voulaient de tout leur coeur un enfant.
L’enfant garde en mémoire des souvenirs vagues de ses premières années. Vagues car c’est une mémoire « avant les mots » et même sans images mais pas dénuée d’émotion. C’est pourquoi l’enfant a besoin de la perspective de ses parents. De comprendre grâce au langage comment il a grandi dans le ventre de sa mère, puis sa découverte du monde à travers son apprentissage. Cela donne de la consistance au « je », à sa personne. Claude Halmos parle d’une colonne vertébrale psychique.
– L’enfant a besoin de connaitre son identité, sa filiation, l’histoire des deux lignées dont il est issu.
Tout ceci lui appartient. Lui refuser le droit de savoir est donc un vol. L’enfant a besoin de connaitre ses racines et de retracer les évènements qui ont concerné les générations précédentes. L’auteur précise qu’il doit être en mesure de tracer son arbre généalogique.
– L’enfant doit être informé de ce qui arrive à ses proches.
De tous les événements, heureux comme malheureux. Y compris de toutes les maladies et morts. Ceci afin d’éluder ses questionnements s’il ressent par exemple une angoisse ou de la peine chez ses parents. Si il n’a pas l’information, il risque de culpabiliser en pensant qu’il est la cause de ces tourments.
Les décès de proches passés sous silence sont perçus des années plus tard comme des trahisons, des vols. La tromperie met à mal le sentiment de sécurité de l’enfant et laisse des blessures une fois adulte.
Lorsque nous acceptons d’annoncer une nouvelle de ce type, on permet à l’enfant de ressentir et d’exprimer son chagrin, de le verbaliser, de le partager. De plus, il est conforté dans la place qu’il occupe dans la famille. C’est la preuve qu’il compte et qu’il est reconnu.
– De la perte in utero ou à la naissance d’un frère ou d’une soeur.
L’enfant perçoit la peine et la souffrance de ces parents et en connait inconsciemment la cause. De plus, Claude Halmos rapporte de nombreux cas d’enfants ayant « senti » précocement la grossesse de leur mère. La perte est donc perçue de la même manière que pour ses parents. Plus grave, il peut culpabiliser de cette disparition car il a peut-être secrètement craint l’arrivée de ce bébé qui lui aurait « volé » de l’amour parental.
– L’enfant doit être informé des changements qui vont modifier sa vie.
Ceci comprend:
Un déménagement : c’est un évènement difficile à vivre. L’enfant a donc besoin d’être accompagné et d’entendre que ce qu’il quitte pourra être reconstruit ailleurs, comme il l’a fait dans le passé.
De plus, il faut insister sur le fait que la rupture n’est pas totale, il y a de nos jours beaucoup de moyens de communication pour garder le contact avec ses amis par exemple (de l’envoi de lettres aux appels Skype en passant par le téléphone).
L’arrivée d’un nouvel enfant : L’enfant « sent » la grossesse de sa mère. Les parents doivent donc lui annoncer et le rassurer en lui expliquant comment cet enfant est arrivé (la sexualité). Cette explication réaliste est structurante pour l’enfant.
Les messages suivants sont aussi à délivrer :
– son frère ou sa soeur à venir ne lui volera pas l’affection de ses proches.
– il sera plus « grand en âge » qu’il ou elle toute sa vie (il ou elle ne le rattrapera pas).
– qu’il lui sera toujours interdit de faire du mal au bébé et qu’il ne sera pas obligé de l’aimer.
Le divorce : Dès que la décision de séparation est prise, les parents se doivent d’en informer l’enfant. Mais attention : l’enfant ne doit pas tout savoir de cette séparation.
Il faut lui préciser que ses parents se séparent en tant qu’adultes mais qu’ils restent ses parents et le seront tout le temps. C’est l’occasion de lui rappeler qu’avant d’être parents, son père et sa mère ont été en couple et se sont aimés. Et qu’il est le fruit de cet amour.
L’enfant doit entendre que l’amour entre adulte peut s’éteindre mais que l’amour entre des parents et leurs enfants est pour la vie.
Il doit aussi comprendre que les parents pourront refaire leur vie avec une autre personne mais que cette personne ne sera en aucun cas sa nouvelle mère ou son nouveau père.
Il se peut même que de nouveaux enfants naissent de cette union ou que la personne formant le nouveau couple en ait déjà.
Dans le cas des divorces, il est nécessaire de faire comprendre à l’enfant qu’il ne remplacera pas le conjoint qui est parti. Ce n’est pas son rôle.
Rajoutons que l’enfant doit comprendre que la séparation n’est pas une guerre ouverte et que des tiers s’assurent du respect de la loi et des procédures.
Enfin, les parents doivent parler à l’enfant de sa future vie, des conditions de garde, du nouveau cadre. Les parents doivent laisser l’enfant exprimer ses émotions et répondre aux questions comprises dans le cadre ci dessus.
En dehors de ces informations, l’enfant n’a besoin de rien savoir. On ne doit pas lui faire de révélations sur les problèmes qu’a rencontrés le couple et qui ont causé le divorce (comme un adultère par exemple). Il est aussi bon de rappeler que l’enfant n’est pas à la cause du divorce, que ce n’est en aucun cas sa faute.
– L’enfant doit être informé du fonctionnement du monde.
Les parents sont là pour donner à l’enfant l’envie d’apprendre et de comprendre le monde qui l’entoure. Il faut donc développer sa curiosité et répondre le plus possible à ses questions (ou lui donner les pistes de recherche et des accès aux ressources où l’information se trouve).
Il est donc primordial de rester ouvert et disponible, de ne pas juger ou réprimer et d’encourager tout effort d’apprentissage.
– L’enfant a besoin d’être informé des lois du monde.
L’enfant a besoin de connaitre les lois du monde, les interdits, leur sens, la nécessité de les respecter, ce qu’il risque s’il les transgresse.
Discutez des faits marquants évoqués par les médias (comme l’attentat de Charlie Hebdo ou quelconque crime qui viendrait à ses oreilles). Expliquez-les. Ceci n’a pas pour but de l’apeurer mais bien de l’informer afin qu’il demeure prudent pour éviter des situations qui mettraient en danger son intégrité physique et morale.
Les conseils de Claude Halmos se poursuivent avec la manière de parler aux enfants ainsi qu’un « Courrier des enfants » qui abordent de très nombreux thèmes comme Rose 3 ans qui demande « Pourquoi il y a des gens qui n’ont pas de maison ? ça me fait triste… », ou encore David, 8 ans qui s’interroge sur la raison pour laquelle il ne peut pas avoir la clé pour rentrer seul de l’école…
« Dis-moi pourquoi » est un excellent ouvrage qui aide les parents à construire le cadre de l’épanouissement de leurs enfants. Les enfants ne sont pas des « adultes bis », nous devons adapter notre façon de communiquer avec eux afin d’être à leur hauteur et de les laisser grandir à leur rythme. 🙂
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Chouette article! Merci
Et j’ajoute que l’enfant doit être informé de la perte in utero d’un enfant même si elle a eu lieu avant sa naissance (frère ou soeur aîné(e) donc). Il doit être informé aussi des conditions de cette perte (fausse-couche, avortement thérapeutique ou non). Pourquoi? Parce que de plus en plus de scientifiques pensent qu’il y a une mémoire des cellules, et une forme de « partage » in utero.
Article interessant!!
Nous avons tendance a cacher les verités malheureses à l’enfant pour leur épargner de la peine… or l’absence d’info les poussent à chercher des raisons culpabilsantes, erronnées et néfastes pr leur developpement paycho affectif
Très bel article à nouveau … je m’abreuve souvent de vos articles pour élever ma petite-fille de 7 ans et demi. Une question dans ce domaine. A quel âge et de quelle manière parler à un enfant de la manière dont est décédé un de ses parents ? Pouvez-vous me conseiller un site ?
et pour les « rescapés des aiguilles à tricoter » (nés malgré la volonté contraire dela mère) ? merci –
Encore. Mille mercis
Vérités et partage pour éviter troubles psy
Je suis la dernière d’une famille de 6 enfants et ma mère m’a eu a 40 ans. Très jeune j’ai su que ma mère en avait assez d’être mère. Alors j’ai appris à me débrouiller seule ou par mes autres frères et sœurs. J’ai aussi appris que je ne m’appelais pas « désirée » très jeune, par un de mes oncles qui a posé la question à ma mère Devant moi. Aujourd’hui, je peux dire qu’il m’a rendu service! J’ai développé une autonomie, une autosuffisance et un sens de la liberté farouchement défendu. Merci pour ce texte!