Les vertus de la culpabilité dans la parentalité

J’entends et je lis souvent ce type de commentaire lorsqu’on aborde les sujets des punitions, des chantages, des cris, des menaces, des neurosciences,… :

« Marre d’articles qui culpabilisent les parents. »

« C’est n’importe quoi cet article. Les experts se contredisent tout le temps de toute façon. Dans 10 ans ils diront que les fessées sont bénéfiques. »

C’est compréhensible de réagir ainsi car il est toujours désagréable de ressentir de la culpabilité alors qu’on a l’impression de faire de notre mieux du matin au soir. Et puis, les jugements négatifs et critiques que l’on perçoit nous font penser qu’on est étiquetés « mauvais parents » ou bien notés/classés comme à l’école.

Pourtant, cette désagréable culpabilité peut être une véritable force pour activer le levier du changement si nous le décidons. Bien sûr, cette culpabilité est aussi une excuse ou un frein au changement.

Selon Jesper Juul, la culpabilité est surtout un indicateur de coresponsabilité pour notre vie en société ou en famille. Cela signifie que chacun, par ses actes et paroles,  a le pouvoir de contribuer au bien-être des autres membres de la communauté.

Le fait que nous ayons un sentiment de culpabilité lorsque nous faisons mal à quelqu’un est une des qualités qui nous distinguent des autres mammifères. C’est inhérent à la vie humaine – c’en est même un aspect fondamental. Sans cela la morale et l’éthique ne seraient pas possibles, et nous vivrions alors tous selon les lois de la jungle.

Quand nous éprouvons de la culpabilité, nous sommes informés que nous sommes susceptibles de créer de la souffrance chez autrui. Et là, nous avons deux réactions néfastes possibles :

  • dépression, auto-dévalorisation, découragement,… (intérieur)
  • agressivité, rejet de la faute sur autrui (transfert de culpabilité), déni… (extérieur)

Ces deux façons ne balayent pas la mauvaise conscience, elles contribuent à l’accumulation de la culpabilité qui nous entrainera dans un cercle vicieux qui nous poussera à multiplier les actions destructives. Ce constat est valable pour les adultes et pour les enfants.

Pour balayer les effets délétères de la culpabilité afin de ne garder que l’énergie pour corriger nos actes et progresser, la première étape est de se donner le droit d’être humain.

« Même quand nous faisons du mieux que nous pouvons, nous risquons de blesser l’autre. » Et là, l’indicateur « culpabilité » peut nous aider à rectifier la situation, à nous excuser, à tester une approche différente. Il nous donne cette opportunité si nous l’accueillons consciemment sans nous flageller à coups de « J’aurais dû » « Il faudrait… » pour les remplacer par « je choisis/ j’agis/je prends ma part de responsabilité/ j’apprends ».

Pour accueillir cette culpabilité, Jesper Juul nous conseille deux alliés :

  • l’humour
  • l’autodérision

Evidemment, il ne s’agit pas de se dénigrer mais plutôt de se « distancier » de la charge émotionnelle d’une expérience culpabilisante pour s’engager dans une réflexion libre et une action réparatrice.

 

N’oublions pas que cette approche bienveillante de la culpabilité comme force de changement est un cadeau pour nos enfants car nous sommes leurs modèles. Si nous leur montrons que la culpabilité n’est pas une arme qui les fige, les mine ou les rend agressif envers leur entourage, ils s’y appuieront aussi pour éviter les manipulations de leurs pairs et sauront modifier leurs comportements en calibrant leur indicateur personnel de culpabilité. Car, ceci est primordial : si nous avons subi une culpabilité excessive et mal placée pendant de nombreuses années, nous avons perdu le contact avec nous-mêmes et notre boussole dysfonctionne. Choisissons d’investir du temps dans sa remise en état en écoutant nos émotions et en dialoguant avec notre enfant intérieur.

 

Inspiration : « Me voilà ! Qui es-tu ? » de Jesper Juul

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