Dossier : accompagner les peurs des enfants
|Je vous propose un dossier pour accompagner au mieux les peurs des enfants.
Quelques repères
En préambule, il est essentiel de savoir que jusqu’à 5/6 ans, un enfant n’est pas capable de raisonner face à sa peur, ni de l’affronter seul. Dans son cerveau, son cortex préfrontal n’est pas suffisamment opérationnel pour calmer l’amygdale qui déclenche la sécrétion de molécules de stress (cortisol, adrénaline). Le rôle du parent est alors d’offrir une présence bienveillante et aimante qui permet à l’amygdale de s’apaiser via l’effet de l’ocytocine.
Autre information importante : toujours jusqu’à 5/6 ans, les enfants ne font pas la différence entre l’imaginaire et le réel. Ainsi, les histoires de sorcière, de loup, de monstre, de rapt,…sont considérées comme vraies. La prudence est donc de mise.
Enfin, les vécus des peurs de la petite enfance restent fixées, mémorisés inconsciemment et à vie dans l’amygdale cérébrale et continuent à l’âge adulte. Mais il est impossible d’en restituer le souvenir quand les évènements ont eu lieu avant 3-5 ans car l’hypothalamus, impliqué dans la mémoire consciente n’est pas encore fonctionnel. (source :« Vivre heureux avec son enfant » de Catherine Gueguen).
Les peurs des enfants en fonction de leur âge
Certaines peurs sont comme programmées et émergent à des âges précis. En voici une synthèse.
Une méthode pour accompagner les peurs des enfants (par Isabelle Filliozat)
Voici une méthode en 8 étapes pour accompagner un enfant qui a peur.
- Respecter l’émotion
Les émotions sont réelles pour les enfants. Il est donc essentiel de les respecter, même si leur logique ou leur rationalité nous échappe. L’enfant a toujours ses raisons. - Ecouter
Ecouter, c’est aider l’enfant à verbaliser ses peurs afin d’en diminuer l’affect. C’est aussi l’accompagner pour faciliter la rationalisation de ses pensées.
Ainsi, « j’ai peur du chien » pourra être réorienté vers « qu’est-ce qui te fait peur chez le chien ? ». Ainsi, l’enfant raconte son ressenti et donne du sens à ses pensées. Les images qu’il a en tête perdent peu à peu de leur intensité.
Dans les techniques d’écoute, n’hésitez pas à reformuler ce que vous entendez sans juger en intégrant le vocabulaire des émotions et en évitant absolument le mot « pourquoi » qui est bloquant pour l’enfant.
Notons aussi que la présence bienveillante et le contact physiques sont des facteurs apaisants. - Accepter et comprendre
« je comprends », « oui », « je vois à quel point cela te touche » : toutes ces expressions indiquent à votre enfant qu’il peut parler en toute sécurité et que la confiance est partagée, qu’il ne sera pas moqué, qu’il a le droit de ressentir et d’exprimer des émotions et, surtout, que vous êtes là pour l’aider à trouver les ressources en lui, des solutions, des explications sans imposer votre conception, votre vision, vos attentes. - « Moi aussi »/dédramatiser
Un récit personnel sur les peurs et les craintes que vous aviez à son âge encouragera votre enfant à vouloir surmonter les siennes. Ne mentez pas , soyez sincère. Vous pouvez aussi évoquer une peur actuelle que vous avez mais que votre enfant n’a pas. Ainsi, il se sentira plus fort que vous. Vous pourriez même lui demander des conseils pour vous aider à surmonter votre propre peur. - Chercher ses ressources intérieures et extérieures
Rappelez à votre enfant les expériences passées pendant lesquelles il a surmonté ses peurs. Ravivez les souvenirs et les émotions liées. - L’aider à libérer son énergie
Comme l’explique Isabelle Filliozat, lorsque nous avons peur, nous avons le diaphragme qui se contracte. Afin de le détendre, utilisez une de ces techniques : respirer profondément, chanter, crier ensemble pour libérer l’émotion, marcher et rire (via le jeu par exemple). - Satisfaire le besoin d’information
Maintenant que votre enfant est apaisé et que le stress est retombé, vous pouvez l’inviter à trouver des informations concrètes sur sa peur : « comment savoir si ce chien est dangereux ? » « D’où peuvent venir ses ombres selon toi ? »,… Pour trouver des informations : dans les livres, en faisant des expériences (avec une lampe pour les ombres par exemple), en regardant un documentaire,… Cette démarche développe l’autonomie de l’enfant qui est acteur de son expérience. - Faire élaborer différentes réponses possibles face à la peur
Isabelle Filliozat suggère notamment de faire naitre l’envie pour contrer la peur. Ainsi, « qu’est-ce qui pourrait te donner envie de caresser le chien ? » . Ainsi, la tonalité des images mentales associées à la peur change. La contrainte disparait au profit de l’envie.
Source :
« Au coeur des émotions de l’enfant » d’Isabelle Filliozat
Les phrases à dire
Afin de calmer l’anxiété ou la peur d’un enfant, je vous invite à tester les phrases suivantes :
- « Peux-tu dessiner ton anxiété/ta peur ? » : le dessin est similaire à la verbalisation émotionnelle. Elle diminue l’intensité des émotions tout en déclenchant des émotions agréables. De plus, l’enfant peut « jouer » avec cette image ou même déchirer son dessin pour symboliquement prendre le pouvoir.
- « Je t’aime. Tu es en sécurité. » : l’amour apaise le stress et renforce l’estime de soi. L’évocation de la sécurité idem.
- « Qu’est-ce qui peut se passer selon toi ? » : en posant cette question, l’enfant va raconter. Ceci donnera du sens à ses pensées. Ainsi la confusion induite par le stress laisse place à de la clarté, de l’optimisme et de la détermination.
- « Nous sommes une équipe intrépide ! » : sentiment d’appartenance et rappel des liens affectifs calment la peur et l’anxiété.
- Crier un mantra : « Peur, je ne veux plus de toi ! » « Je me sens fort comme un lion ! » Crier libère l’émotion ! Le mantra doit être personnel et puissant. Notez l’utilisation possible d’un animal « fort ».
- « Tu as ta musique de victoire en tête ? » : dès que votre enfant réussit quelque chose, associez l’événement avec une musique précise qu’il apprécie. Lorsqu’il l’entrendra de nouveau, sa confiance reviendra automatiquement.
- « A quel endroit de ton corps ressens-tu ta peur ? quelle est son intensité (de 1 à 10) ? » : les émotions se ressentent également dans le corps. Quand un enfant se concentre sur cette sensation, il facilite la libération de l’émotion associée.
- « On compte jusqu’à 20 pour laisser partir la peur ? » : en se concentrant sur le fait de compter avec un objectif précis (atteindre le 20), l’émotion désagréable s’évacue progressivement pour laisser place à un « Go ! ».
- « Ferme les yeux et compte ta respiration »: cette astuce permet de calmer le mental pour se recentrer sur la respiration. Fermer les yeux diminue les stimuli extérieurs.
- « Visualise un lieu où tu te sens en sécurité, calme et serein. » : posez des questions de curiosité pour avoir un maximum de détails afin que la visualisation soit précise et génère le plus de confiance possible. Je vous conseille de travailler ce lieu lors d’une activité et même d’inviter l’enfant à le dessiner.
- « Que pourrais-tu dire à ton copain/ta copine qui aurait peur dans cette situation ? » : ainsi, l’enfant prend de la distance face à son expérience et se dissocie. Cela diminue l’affect et lui permet de réfléchir plus posément pour trouver des solutions.
- « L’anxiété/la peur aide à rester en vie. Elle est utile. Ecoute-la, remercie-la et demande lui de te donner de l’énergie pour réussir. » : ceci permet de valider les émotions et d’en donner une explication non-bloquante.
- « Imagine que tes super-héros/héros favoris sont avec toi. Tu es dans leur équipe ! » : l’enfant puise ainsi la force chez ces modèles aux super-pouvoirs.
- « Essayons de trouver des preuves ! » : jouer les enquêteurs pour rationaliser les pensées est à la fois ludique et constructif. De plus, cela développe la pensée critique.
- « Quelle partie te fait vraiment peur ? » : une peur parait souvent énorme et inquiétante. Lorsqu’on la décompose en petites peurs, elle est beaucoup moins impressionnante. Cette approche est valable pour les problèmes en général.
- « Marchons. » : la marche fait baisser le stress et nettoie le flux de pensées (moins de ruminations mentales).
- « Te souviens-tu de la dernière peur que tu as surmontée ? » : ces souvenirs redonnent confiance aux enfants.
- « Que peut-il se passer de pire ? » : l’exagération sert à relativiser.
- « Comment puis-je t’aider ? » : cette option permet à l’enfant de réfléchir aux solutions+ressources tout en prenant conscience de notre soutien inconditionnel.
- « On danse ? » : la danse évacue le stress et amuse ! De plus, cette proposition soudaine surprend et la surprise déconnecte les autres émotions. 🙂
Des outils pour aider les enfants
La pâte à modeler :
Demandez à votre enfant de représenter une de ses peurs avec de la pâte à modeler puis proposez-lui au choix :
– de la pétrir un maximum avec toute sa force ! (imitez les cris de douleur de la peur réduite en masse informe)
– de la transformer en créature amusante en rajoutant de la pâte à modeler aux couleurs vives, en changeant son style vestimentaire (pourquoi pas une robe à pois ?), en lui collant une moustache, un gros nez rouge, etc.
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le sac à peurs :
Choisissez un sac qui puisse se fermer ou fabriquez-en. Expliquez à votre enfant qu’il peut y glisser ses peurs en les dessinant ou en les écrivant sur des papiers. Puis dites-lui que ce sac à la capacité d’emprisonner ses peurs (qui finissent par disparaitre). -
les poupées-tracas :
Ce sont de petites poupées à glisser sous l’oreiller auxquelles on confie toutes les peurs et autres soucis pour s’en débarrasser. Redoutablement efficace !
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le super-héros ou la super-héroine :
Demandez à votre enfant quel(le) est son héros/héroine préféré(e) et pourquoi il l’apprécie autant. Est-ce pour son courage ? pour son astuce ? pour sa rapidité ? face à une peur, comment se comporterait-il/elle ? que lui ferait-il/elle ? Si vous avez une figurine à l’effigie de ce héros/cette héroïne, simuler la rencontre de celui-ci/celle-ci avec la peur (représentée par une autre figurine plus neutre). Faites ainsi un jeu de rôle pendant lequel le héros (votre enfant) viendra à bout de la peur. A la fin, proposez à votre enfant de garder sa figurine sur sa table de nuit. Les peurs n’oseront pas s’approcher.
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Le jeu du « Fais-moi peur » :
Dites à votre enfant de vous faire peur et faites semblant d’être terrorisé (en souriant parfois pour signifier qu’il s’agit bien d’un jeu) : courez dans tous les sens en criant, ouvrez de grands yeux, etc. En incarnant une source de peur dans un cadre ludique et imaginaire, votre enfant apprendra à domestiquer les siennes en en changeant l’ancrage et l’affect.
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La chanson anti-peur :
Expliquez à votre enfant que les peurs détestent les chansons et les sourires. En journée, prenez donc le temps de choisir une musique et des paroles amusantes qui protègeront de toutes les peurs. Entrainez-vous en imitant la peur (vous ou votre enfant) qui détale aux premières notes de la chanson. Exemple de chanson :
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Jouons sur les mots :
L’anagramme de « peur » et « pure » et on peut même ajouter un « e » et faire « purée » ! Pendant une activité, amusez-vous avec votre enfant à transformer le mot « peur » et à le remplacer en parlant : « as-tu peur ? » deviendra « as-tu purée ?!? Hey, saucisse-purée ! ». Rire assurée. Vous pouvez utiliser des lettres de Scrabble pour les anagrammes (y compris les magnétiques comme celles présentes sur mon réfrigérateur) .
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Chemin faisant :
Cette activité provient du coffret « j’aide mon enfant à dépasser ses peurs »
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La peluche mange-peurs :
Une peluche rigolote et une bouche prête à avaler les peurs et les soucis apaiseront grandement les enfants. Activez la fermeture-éclair pour valider le rituel et se débarrasser des peurs. Il parait qu’un câlin à la peluche facilite la digestion ! 🙂
Disponible sur amazon.fr
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La roue des choix
Vidéos
Les vidéos suivantes abordent les peurs du noir, de l’orage et du loup. À visionner à partir de 5 ans.
Peur du noir
Peur de l’orage
Peur du loup
Sélection de livres
Nouveau : le cahier Filliozat sur les peurs des enfants (dès 5 ans)
Mes petites peurs : un livre pour en parler et pour les surmonter !
« J’ai peur » : un livre gratuit pour aider les enfants à surmonter leurs peurs
« Dans la forêt profonde » d’Anthony Browne : un livre pour démystifier les peurs
https://papapositive.fr/bruit-nuit-livre-astucieux-securiser-enfants-de-dormir/
Chhht ! Du suspense, des rires et une excellente méthode pour surmonter la peur !
Ninon ne veut pas dormir : un conte thérapeutique pour apprivoiser les peurs nocturnes des enfants