Pourquoi la littérature paraît-elle “relou” à l’école ?

Pourquoi la littérature, passionnante et vivante à la maison, devient-elle si “relou” dès qu’elle franchit la porte de l’école ? C’est la question que pose Félix Radu lors de son intervention TEDxBrussels, avec humour et tendresse, interpellant professeurs, élèves et parents sur ce curieux paradoxe. Ce moment est l’occasion d’ouvrir un débat : et si, au lieu de n’être que spectateurs, les jeunes redevenaient enfin acteurs de la littérature ?

De la salle de classe au sentiment d’exclusion
Félix Radu, jeune auteur et comédien, partage son propre parcours scolaire. Non, il n’était pas premier de classe. “J’étais vraiment nul, pas loin du cancre … mes parents ont été convoqués pour souligner mon déficit intellectuel. Vous imaginez le délire ? Un déficit intellectuel !”

Cette anecdote, racontée sur le ton de l’humour, traduit un malaise bien réel : on associe trop facilement l’amour des lettres à la conformité académique. Pourtant, “la littérature s’est construite sous la plume des plus grands sales gosses que l’histoire ait jamais connus.”
Savoir vs intelligence : un système à repenser
À l’école, il faut retenir avant de comprendre. “Avant même le ‘Pourquoi ?’, l’enfant doit retenir le « parce que ».” Les connaissances sont souvent transmises comme des vérités à apprendre par cœur. Mais est-ce là la fonction véritable de l’apprentissage ? Si un enfant s’ennuie, s’il préfère être sur son écran plutôt que de s’intéresser à la leçon, “c’est qu’il est bête.” Or, pour Félix Radu, “il n’y a rien de plus curieux qu’un enfant.” Il rappelle que “l’apprentissage est la résultante d’un récit,” et que “les enfants ne sont pas des vases que l’on remplit, mais des flammes que l’on allume.”
Redonner leur place aux jeunes créateurs
À trop vouloir célébrer le passé, l’école oublie le présent et freine la capacité des jeunes à s’exprimer. “Je me suis toujours demandé quand nous avons arrêté d’écrire des classiques ? Est-ce que c’est nous qui sommes devenus trop bêtes ?” Félix Radu interroge le passéisme et l’idée que seuls les grands auteurs d’autrefois mériteraient d’être lus. Il invite à imaginer que, “avant d’être un génie, un auteur était un enfant…”
La poésie, expression vivante
“La poésie n’a jamais été une question de forme.” L’essentiel du livre n’est pas dans la structure, mais dans le Bouillonnement intérieur et la vitalité de la langue : “La forme, c’est le fond qui remonte.” Qu’elle soit en alexandrins (“Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire.”), en sonnet (“Car je ne sais où tu fuis, tu ne sais où je vais.”), en prose (“Il faut toujours un coup de génie pour bâtir un destin.”) ou en punchline reprise sur smartphone (“Y’a rien à faire, gros, je retourne hiberner. Ma couette a comme un p’tit goût de liberté.”), la poésie s’incarne dans la voix de ceux qui parlent.
La poésie moderne existe…
C’est dans la façon dont les jeunes cherchent leur place que réside, selon Félix Radu, la vraie poésie : “La prochaine fois que vous verrez un enfant tapoter sur son téléphone … avant de poser un jugement, posez-vous la question : qu’y a-t-il de plus terriblement poétique que de chercher sa place dans un monde qui brûle, face au regard du monde ?” Et il conclut sur une interrogation essentielle : “Quels sont les outils qu’on leur a laissés pour l’exprimer de manière libre et légitime ?”

Félix Radu nous invite à repenser la transmission de la littérature : moins comme une discipline figée, plus comme une invitation à la création et à l’éveil. Le défi ? Rallumer cette flamme chez les jeunes, leur rendre la légitimité d’être poètes, de raconter, d’inventer. Rendre à l’école son rôle : celui d’un lieu où chaque élève peut devenir l’auteur de sa propre histoire, la littérature se vivant et se réinventant au présent.

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