Le respect des limites entre parents et enfants (sans chantages, menaces, punitions, ordres…)

Je suis plongé dans la lecture du livre de Jesper Juul « Me voilà ! Qui es-tu ? » sur la proximité et le respect des limites entre adultes et enfants.

C’est un sujet essentiel et délicat qui dépasse allègrement le cadre de la sphère familiale pour s’orienter sur le plan social et même le développement personnel.

Il revient en effet à se demander quelles sont nos limites tolérables au-delà desquelles nous nous sentons frustrés, négligés, ignorés,…

Cela implique d’avoir conscience de nos limites et de se sentir légitime dans l’expression de leur respect (en toute bienveillance, c’est-à-dire sans crier, critiquer, menacer, ou exploser en crise de colère ou de larmes).

Pour les adultes, les limites sont donc un thème primordial dans l’équilibre. Pour les enfants, cela l’est encore plus, d’autant qu’ils ne connaissent pas encore leurs propres limites et qu’on leur demande de tenir compte des nôtres…alors qu’ils maitrisent déjà mal l’art de communiquer.

Au fil des pages de cet ouvrage, nous comprenons que les limites camouflent des besoins et en cela nous rejoignons le discours de Marshall Rosenberg avec la communication non-violente.

Mais revenons sur nos limites et les façons de les présenter afin de respecter les individualité et mieux collaborer.

Notons qu’il est important de réfléchir à « froid » à l’énoncé de nos limites car notre schéma de pensée se structure ainsi tranquillement et prendra le relai même si nous sommes excédés et fatigués.

Attention, il est loin d’être évident d’exprimer clairement nos limites sans attaquer autrui quant à son manque d’écoute (jugement erroné la plupart du temps). Or un reproche n’a jamais été une demande…c’est plutôt l’étincelle qui allume la poudre.

Ajoutons que les conflits et oppositions sont malheureusement impossibles à éviter mais qu’ils doivent se dérouler au maximum dans le respect afin que chacun avance dans la connaissance de soi et de l’autre ainsi que dans l’apprentissage d’un dialogue « conscient » et constructif (au lieu de dominant et destructif).

Voici donc quelques manières à supprimer de notre répertoire car le message qu’elles contiennent ne contribuent pas à la collaboration et est plutôt blessant pour l’enfant (et frustrant pour nous car nous ne serons toujours pas compris) :

 

« Je ne veux pas que tu joues de la musique maintenant, j’ai une migraine. » « Pourquoi est-ce que tu joues toujours de la musique quand tu sais que je suis fatigué(e) ? »

Ces deux formulations font ressentir à l’enfant de la culpabilité et entendre un reproche grave quant à l’attachement résumé par cette phrase : « si tu m’aimais, tu connaitrais mes besoins ».

 

« Combien de fois faut-il que je te dise que je veux la paix quand je suis fatigué ? On ne peut même plus avoir la paix chez soi maintenant ? »

Dans ce cas, l’enfant comprend qu’il est un idiot, égoïste et sans mémoire. Il reçoit la responsabilité du bien-être de son parent.

 

« Non, pour l’instant je ne veux pas te raconter une histoire, je préfère lire mon journal. » « Tu dois attendre, moi aussi j’ai le droit de vivre. »

C’est surtout l’intention prêtée à l’enfant dans ces phrases qui est malvenue ici. En effet, le parent suppose que l’enfant ne pense qu’à lui et ne tient pas compte de ce dont a besoin son parent. Il perçoit aussi que c’est mal d’exprimer une envie ou un besoin et que ceux-ci ne sont pas recevables. « Tu dois penser à ce que veulent les autres avant tout. » Or, c’est exactement l’inverse que fait le parent…

 

« Je ne veux plus que tu dormes dans notre lit. Je veux dormir tout seul avec maman. »

« Écoute, ma chérie. Papa et moi, nous avons parlé, tu es en train de devenir si grande qu’il vaut mieux que tu ne dormes plus dans notre lit la nuit. Tu as aussi ta jolie chambre, tu ne trouves pas qu’on devrait essayer de voir si tu peux y dormir cette nuit ? Tu peux bien sûr venir nous voir si tu as un cauchemar ou si tu as peur de quelque chose. »

Entre excès d’autorité sans écoute et choix trop large associé à une absence de verbalisation des besoins personnels des parents (et à la manipulation), l’enfant est dans la confusion face à ces formations.

La fermeté et la bienveillance pourraient s’exprimer ainsi : « Nous avons réfléchi. Nous aimerions dormir seuls dans notre lit la nuit. Es-tu d’accord pour dormir dans ton lit ? ». Ensuite peut s’entamer une discussion autour des émotions et besoins  de l’enfant et des solutions pour les satisfaire en respectant la règle. Exemple : une lampe laissée allumée en cas de peur du noir. On peut aussi intégrer un rituel apaisant, un jeu, etc (vous trouverez des idées sur le site en tapant « sommeil » ou « rituels coucher » dans le moteur de recherche).

 

 » Paul, NON ! Je ne veux pas que tu joues avec mon ordinateur quand je ne suis pas avec toi ! Je te l’ai dit tellement de fois que ça me rend fou quand tu le fais malgré tout ! Je ne le veux pas – JAMAIS PLUS !!! » et pousse-toi de l’ordinateur. C’est le mien et c’est moi qui commande ! »

Reproches, cris, menaces, ordres…font un cocktail humiliant qui abime l’estime de soi des enfants et fragilise les relations avec eux.

On peut dire « Stop » fermement et sans crier puis exprimer positivement ce que nous attendons de l’enfant : « tu as le droit de jouer à ceci et ceci ».

Nous pouvons aussi dire que nous sommes en colère quand nous voyons que l’enfant touche à l’ordinateur.

Enfin, envisageons d’adapter le cadre pour que l’ordinateur ne soit plus accessible à l’enfant.

 

Astuce : établir des règles pour respecter les limites de chacun

Et si nous transformions les limites en règles ?

Pour cela, je vous invite à découvrir 10 conseils basés notamment sur le livre de Catherine Dumonteil Kremer « poser des limites à son enfant ».

  1. Établissez les règles avec l’enfant et affichez-les dans chaque pièce où elles entrent en vigueur : si une de vos règles est par exemple de se déchausser à franchissant la porte d’entrée, posez un post it avec un symbole de ce que vous attendez ou écrivez la règle si l’enfant sait lire. Vous pouvez aussi coller une photo de l’enfant lorsqu’il a suivi la règle avec succès. Lorsqu’il portera le regard sur la photo, il sera encouragé à reproduire cet acte (que vous aurez pris soin de remarquer verbalement précédemment pour faciliter le renforcement positif). Notez que la mémorisation est facilitée quand elle est associée à un lieu (méthode des loci).
    (vous trouverez des exemples de règles dans cet article)
  2. Montrez l’exemple sur ce que vous attendez et exprimez vos besoins et émotions sans accuser : les enfants nous observent et nous imitent (voir les neurones miroirs). Profitons-en et n’hésitons pas à reproduire plus lentement nos mouvements pour que les étapes soient perçues et mémorisées. Pour le côté besoins/émotions, c’est en entendant et voyant les exprimer que l’enfant acquerra progressivement lui-aussi cette compétence. Astuce pour cela : le message « je ».
  3. Faites ensemble : les enfants sont d’autant plus motivés en faisant avec leurs parents. Attention, il s’agit bien de faire ensemble et non de faire à la place. Il en va de l’autonomie de votre enfant.
  4. Utilisez un timer : expliquez à votre enfant le fonctionnement d’un timer et laissez-lui progressivement la main en vous mettant d’accord sur le timing : 2 minutes pour le brossage des dents, 5 minutes pour ramasser les jouets dans le salon, … ceci développe la motivation et l’engagement et il y a même un aspect ludique.
  5. Pour rappeler la règle, ne parlez pas mais montrez, écrivez, dessinez ou faites un signe. Cette communication non-verbale renforce les liens et valorise les efforts de l’enfant en le responsabilisant. Souriez ou levez votre pouce pour encourager. L’écriture est très efficace aussi (voir cet article).
  6. Demandez-lui de vous guider : pour vérifier qu’une règle est acquise, demandez à votre enfant de vous guider comme un jeu. « Que dois-je faire avant de passer à table ? J’ai un trou de mémoire. Il n’y aurait pas un petit garçon ou une petite fille qui pourrait m’aider dans les parages ? »
  7. Associez les règles et les routines : rien de tel que l’habitude et les routines pour appliquer des règles. Vous trouverez dans cet article quelques idées pour les présenter.
  8. Si une règle n’est pas respectée, rappelez-la avec bienveillance et enquêtez pour savoir ce qui bloque. Une écoute empathique révèle souvent des informations essentielles. Le stress et les émotions fortes peuvent faire obstacle à la remémoration ou l’application d’une règle. Un câlin et une bonne dose d’ocytocine font aussi des miracles sur l’humeur.
  9. Révisez régulièrement les règles : une fois par mois, faites un retour d’experience en famille sur l’application des règles et voyez si elles ne nécessitent pas d’être modifiées, abandonnées ou remplacées en fonction de l’évolution de votre enfant, du contexte ou encore de la saison.
  10. Utilisez l’humour : prenez une voix amusante, faites parler la brosse à dents ou les chaussures, etc. L’humour et le jeu facilitent l’apprentissage.
  11. Dites « stop » plutôt que « non » : voir cet article
  12. Proposez de vrais choix à l’enfant : voir cet article 
  13. Utilisez la Communication Non Violente : voir cet article
  14. Pratiquez le renforcement positif : voir cet article
  15. Parlez « positif » : voir cet article

Catherine Dumonteil Kremer nous invite aussi à être ouvert aux périodes de régression que l’enfant va traverser. Il se peut qu’il ait besoin d’être de nouveau accompagné pour diverses raisons qui lui appartiennent et qui peuvent être liées à des modifications d’environnement ou autres (comme l’arrivée d’un frère ou d’une soeur, un déménagement, une mauvaise expérience à l’école ou à la crèche, etc. ).

A lire :

« Poser des limites à son enfant » de Catherine Dumonteil Kremer

et

« Me voilà ! Qui es-tu ? » de Jesper Juul

 

Complément :

Tableau de communication positive parent/enfant

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